Montée du chômage
(et même, maintient d'un taux de chômage structurel
de 9% y compris en phase de croissance soutenue !),
montée des emplois précaires : l'emploi à plein temps
et à temps indéterminé n'est plus la norme.
Les politiques de l'emploi, visant,
par la baisse des cotisations patronales, par les multiples
aides à l'embauche, le retour au plein emploi n'ont
pas généré les effets espérés. Elles n'ont ni permis
la résorption du chômage, ni réduit la précarité des
emplois, au contraire, elles l'ont accompagnée. La discontinuité
des emplois n'est plus une exception mais la règle,
ainsi, l'opposition dichotomique emploi/chômage est
de moins en moins pertinente et le risque est celui
d'une discontinuité des revenus et des droits associés
à la condition de salarié. Plus l’emploi devient incertain,
plus les moyens de compenser la perte d’emploi s’amenuisent,
et plus s’exerce la pression sur les individus :
l’aliénation par la peur.
Dans le contexte actuel, qui est celui, depuis déjà trente ans, de la crise du plein emploi, de la "norme" de l'emploi à plein temps et à vie, la seule utopie pensable serait alors celle d'un retour…au plein emploi, à vie, et à plein temps. Utopie triste, car on oublie, peut-être, que la crise de cette norme a été aussi portée par de multiples lignes de fuite… désir d'échapper à l'aliénation du travail massacrant dans les usines, désir de savoir, désir d'expérimenter des formes autonomes d'association, être mobile, s'épanouir dans l'activité, en tant que coopération et invention, au lieu d'enfermer la vie dans un rapport salarial à l'intérieur d'une entreprise, décidant à notre place quoi et comment produire.
Entre les licenciements massifs (même en situation bénéficiaire pour les entreprises !) et la généralisation des emplois à temps partiel, intérimaires, à durée déterminée, le coût social de la flexibilité du marché du travail semblerait avoir atteint un niveau insoutenable. Comme le prouveraient les déficits de l'Unedic qui s'ajoutent aux autres déficits (caisses des retraites, sécurité sociale…) qui nous sont présentés dans leur monstruosité et dans la plus totale illisibilité pour nous ramener à la raison et à notre responsabilité à savoir : pour pouvoir distribuer de la richesse il faut l'avoir produite ! Travaillez plus, travaillez tous, jeunes, vieux, handicapés…et à n'importe quel prix !
Course en contre-courant dans l'histoire : toutes les réformes en cours visent le rallongement de la durée de vie au travail (salarié) alors même que les gains de productivité ne cessent de réduire le travail nécessaire. Qui bénéficie de ces gains ? Qui les a rendus possibles ? Qui perçoit le dividende sur ce fond commun de richesses ?
Face aux déficits
"réels" et "virtuels", le gouvernement
et le MEDEF nous invitent au spectacle de la modernisation
du social : plus de parasites, plus d'inactifs, plus
de possibilités de choix ! Allongement de la période
de cotisation pour la retraite, baisse des droits des
chômeurs, retour au travail forcé pour les Rmistes en
subventionnant les employeurs (projet RMA), reforme
du régime des intermittents du spectacle. Cela dans
un contexte de politiques globales visant à la casse
des services publics, de la santé à l'éducation et la
recherche, à la réduction des budgets de la culture
vivante…L'Etat minimal de Robert Nozick est là, dans
la mise en scène suivante: au secteur privé les champs
de la reproduction sociale et biologique de la vie,
à l'Etat la défense.
Du welfare au workfare/warfare[1]
: moins d'impôts sur les revenus et sur le patrimoine,
plus de cotisations (de préférence salariales) !
Le prix du spectacle : soyez
créatifs car le capitalisme nouveau a besoin d'inventions,
soyez disponibles à tout job car le capitalisme nouveau
a toujours besoin des petits jobs pour entretenir le
luxe de ses vrais rentiers, soyez pauvres car si les
riches ne gagnent pas assez vous serez tout simplement
misérables…et de son côté, l'Etat sera fort pour vous
défendre du terrorisme mondial…pour vous défendre de
l'"autre".
Spectacle triste
de la misère et de la peur !
Et pourtant… la peur n’est pas
le mobile de la création. Point de création, point de
création de richesses sans un revenu préalable : pour
pouvoir créer il faut disposer d'un revenu, avoir la
certitude de la continuité du revenu.
" Il
est nécessaire d’avoir cinq cents livres
de rente et une chambre dont la porte
est pourvue d’une serrure, si l’on veut écrire une œuvre
de fiction ou une œuvre poétique "
Virginia Woolf, Une chambre à soi
Le régime des intermittents du spectacle : spécificité et crise ou crise d'une spécificité
Le régime des intermittents
du spectacle est régulièrement et gravement remis en
cause sous la pression du Medef.
Mais aujourd’hui, plus que jamais,
dans la foulée des conventions Unedic du 20 décembre
dernier entamant largement les droits des chômeurs du
régime général, il subit des attaques frontales, relayées
complaisamment par les médias qui discréditent systématiquement
les intermittents du spectacle.
Fabriquer
du sensible, ce n’est pas poser la question "quel
type d’art voulons nous faire ?" mais "dans
quel(s) monde(s) voulons nous vivre ?"
Andreas Inglese
On s’étend sans fin sur la " porosité " du régime des intermittents, pointant du doigt de présumés " fraudeurs ", en oubliant de considérer que les plus gros fraudeurs de ce régime sont les plus grands employeurs (télévision, productions) qui externalisent une part de leurs coûts salariaux, eux qui font le plus de bénéfices, et s’affranchissent des contraintes de CDI en exploitant ce système…eux, les capitalistes de la communication, eux, les producteurs de l'opinion publique, eux qui polluent nos esprits, eux qui colonisent le sensible.
Non, le régime des intermittents du spectacle n'est pas idéal, ce que nous revendiquons n'est pas le maintien du statu quo. La réforme que nous voulons doit être la garantie d'une continuité du revenu, pour tous et inconditionnel, condition préalable pour que d'autres formes de culture, d'autres formes de création artistique, d'autres formes de vie, d'autres mondes possibles puissent s'épanouir.
"Les
vrais abus du système sont liés à son iniquité plutôt
qu’à sa porosité"
Valérie Marange
Non, ce régime n’est pas idéal. Soumis au couperet des 43 cachets, ou des 507 heures, tout intermittent du spectacle peut, du jour en lendemain, se retrouver exclu de ce régime, quels que soient son parcours, son âge, sa profession. Il faudrait dire d’ailleurs quelles que soient ses professions, car plus d’un a appris à passer de l’une à l’autre, par goût, par hasard, par obligation. Valse des casquettes et course aux " heures ".
Précaires de chez précaires, exposés aux premières loges de l’actualité, un rien peut supprimer, sans garantie, sans contrepartie, les sources d’emploi. Suppression de budgets ? Changements politiques répercutés dans les structures culturelles ? Contrats non honorés, subventions supprimées, programmation révisée… Et vous repasserez pour vos 43 cachets.
Non, ce régime n’est
pas idéal, plus de la moitié des allocataires touchent
moins que le Smic, quand d’autres vivent très largement
du cumul de leurs allocations avec leurs revenus.
Les allocataires entrants sont
pénalisés, les " droits " ne sont
pas toujours renouvelables.
La multiplicité des cas de figure,
et des statuts, entraîne, par de complexes détours,
de grandes inégalités de traitements, entre ceux qui
sont mensualisés, ceux qui ne le sont pas, et entre
les deux annexes.
On se scandalise
aussi du nombre élevé d'allocataires, tout en reconnaissant
que la croissance de leur nombre est un signe de bonne
santé du secteur. Contradiction ou cohérence extrême
? On ne sera pas étonné du silence total quant au lien
entre ces deux phénomènes.
Et si le bon état de santé du
secteur dépendait justement du nombre important et croissant
des ayants droit ? N'est-ce pas la garantie d'une certaine
continuité des revenus, malgré l'intermittence des emplois,
qui assure les conditions de la création artistique,
de la production culturelle, en tant qu'activités immédiatement
sociales, dont les temps et les espaces dépassent largement
ceux des entreprises et du contrat de travail pour s'étaler
sur les temps et les espaces de la vie sociale ?
" Le
temps est invention ou il n’est rien du tout "
Henri Bergson
Les annexes 8 et
10, au sein du régime de l’assurance chômage, constituent
la forme de reconnaissance de la discontinuité de l’emploi
inhérente au secteur du spectacle et l'assurance de
la continuité du revenu pendant les périodes de chômage.
En assurant une continuité du
revenu entre périodes "en emploi" et périodes
" chômées ", le régime des intermittents
permet à ses allocataires d’alterner temps de " production ",
autrement dit temps de valorisation marchande, et périodes
de gestation, d’élaboration de projets personnels, de
formation, de perfectionnement, d’élargissement de compétences,
de recherche d’emploi ; autant dire qu’il s’agit
d’une continuité de revenu entre périodes de travail
et périodes de travail, entre les temps de l'entreprise
et les temps de la production créative et de la reproduction
des conditions sociales de la coopération et de la puissance
de création. Les unes étant rémunérées, cadrées, commandées,
" rentabilisées " par les employeurs,
les autres étant autogérées, et formant la plus fertile
des matrices de richesses.
Dans la vie associative, dans
tout ce qui se tisse socialement hors de l’emploi, dans
la rue, dans les squats, dans les espaces communs régulièrement
menacés de disparition, dans les stratégies de solidarité
et de survie qui sont élaborées, dans les luttes et
les échanges, de multiples naissances ont lieu.
Ces temps entre deux emplois constituent donc le terreau de la création de " richesses ", si nécessaire à la production artistique : création d’idées, expérimentations " gratuites ", libérées de toute notion mercantile, le plus souvent immatérielles, non mesurables, incommensurables, in - quantifiables. Il s'agit de temps hétérogènes : plus qu'affaiblir, ils accroissent la puissance de création individuelle et collective.
Ne nous y trompons pas : le capital trouve amplement son compte dans cet in- quantifiable, et sait parfaitement capter tout cet oxygène énergétique.
Ce que représente à nos yeux le régime des intermittents actuel et les espoirs que nous mettons dans l’évolution vers un statut de salarié à l’emploi discontinu est la possibilité de se réapproprier un espace-temps déconnecté de l’emploi. Du temps pour créer, du temps pour coopérer, du temps pour inventer d'autres mondes possibles…
Seul le renversement de perspective dans le rapport salarié/employeur via la rappropriation par l'individu de la maîtrise de tout son temps permettra l'épanouissement et le développement de nouvelles forces de vie et de productions déliées des traditionnels assujettissements marchands.
" Une
discontinuité n’est pas une interruption, encore moins
un arrêt, elle est une continuation, une poursuite sur
un mode imprévisible… Un intermittent est un travailleur
discontinu… En rompant la continuité, une discontinuité
introduit de la liberté dans le déroulement d’un phénomène. "
Denis Guedj, mathématicien
On
reproche à ce régime son déficit "spécifique".
La quasi -disparition des annexes 8 et 10 serait donc
la réponse envisagée pour le réabsorber et éliminer
le risque de sa reproduction.
Or, la notion même de déficit
"spécifique" pose problème, car elle introduit
une contradiction majeure avec le principe d'un régime
interprofessionnel d’assurance chômage reposant sur
la solidarité entre salariés.
Mais encore, éliminer le déficit
"spécifique" signifie aussi nier la spécificité
qui fondait le régime des intermittents : la reconnaissance
de la nature discontinue de l'emploi dans le secteur.
La discontinuité étant une caractéristique consubstantielle
à la nature même de l'activité.
En fait, c'est le
principe de la continuité du revenu qui est attaqué.
Comme remède à la flexibilité à outrance, comme rempart
contre l’ultra-libéralisation qui s’installe, comme
garde-fou à la peur générée par l’insécurité de l’emploi.
Viser la quasi-disparition des
annexes 8 et 10, c'est assumer la responsabilité de
la disparition non seulement des intermittents, mais
aussi des conditions d'existence d'une activité culturelle
et artistique qui traverse et s'alimente de la vie sociale
et la nourrie dans un même temps.
Il n'empêche, l'on peut convenir : l'activité propre aux travailleurs de la culture et de l'art a perdu en partie sa spécificité, et cela tant si l'on regarde à la discontinuité des emplois, qui s'est progressivement étendue à tout métier et secteur d'activité, qu'à la nature même des activités. En effet, elles impliquent de plus en plus la capacité d'invention et de coopération autonome : communiquer, inventer, produire de nouveaux biens à fort contenu culturel sont devenus la matrice de la valeur dans le capitalisme d'aujourd'hui. L'accumulation capitaliste ne se fonde plus seulement sur l'exploitation du travail dans le sens industriel du terme, mais sur celle de la connaissance, du vivant, du temps libre, de la culture, des ressources relationnelles entre individus, de l'imaginaire. Ce qu'on produit et vend, ce ne sont pas seulement des biens matériels ou immatériels, mais des formes de vie, des formes de communication, des standards de socialisation, de perception… les activités artistiques et culturelles perdent leur spécificité pour devenir la matrice plus générale de la production de richesses.
Une réforme pour des droits nouveaux adaptés à la discontinuité de l’emploi
La discontinuité,
inhérente autrefois au seul monde du spectacle, est
devenue le lot de tous, elle traduit l'articulation
des temps courts de la valorisation marchande par les
entreprises et des temps longs de la production de richesses.
La flexibilité dans les conditions
de mise au travail ne répond pas seulement à un principe
de maîtrise des coûts salariaux, elle est plus fondamentalement
une modalité de captation d'une richesse qui est créée
dans des espaces qui débordent largement ceux de l'entreprise,
dans des temps qui débordent largement le temps de travail
contractuel. Autrement dit, les temps de l'entreprise
ne sont plus que des temps courts de la captation d'une
richesse produite inscrits dans les temps longs de la
mise en commun des savoirs, des idées, des connaissances,
des informations, des goûts, des désirs, dans les temps
longs de la vie comme vie sociale, de la vie avec les
autres, de la création avec les autres du commun. Dans
la discontinuité/hétérogénéité des temps, la production
innovante est le résultat des interactions et croisements
multiples de formes de vie, de désirs de savoir, de
désir de créer. La coopération non seulement précède
le capital et ses entreprises, mais est aussi impuissante
à l'intérieur du capital et du rapport salarial. La
puissance de la coopération relève de sa liberté et
sa liberté de la continuité…du revenu.
"Je
pense aussi que vous pouvez me reprocher d'avoir fait
la part trop grande aux choses matérielles"..."Ce
sont des faits terribles, mais regardons-les en face.
Il est certain -bien que ce soit déshonorant pour nous
comme nation- que par suite de quelques défaut dans
notre communauté, le poète pauvre n'a pas de nos jours,
et n'a pas eu depuis deux cents ans, la moindre chance
de réussite... Un enfant pauvre en Angleterre n'a guère
plus d'espoir que n'en avait le fils d'un esclave à
Athènes de parvenir à une émancipation qui lui permette
de connaître cette liberté intellectuelle qui est à
l'origine des grandes œuvres." C'est cela même.
La liberté intellectuelle dépend des choses matérielles.
La poésie dépend de la liberté intellectuelle"
Virginia Woolf, Une
chambre à soi
Il faut réformer le régime d’assurance chômage, c’est une réforme pour des droits nouveaux adaptés à la discontinuité de l’emploi et à la continuité de l'activité de coopération et de création qu’il faut imposer. Garantir la liberté intellectuelle.
"C'est
sur l'ensemble des revenus que doit reposer la charge,
et c'est cela qu'on ne veut pas"
René Passet
Le système de financement
de l’UNEDIC, fondé sur la cotisation, a été conçu à
une époque où le chômage n'était plus qu'un accident
temporaire, lié essentiellement au passage d'une économie
à dominante agricole, à une économie à dominante industrielle.
Une époque où la nature même du développement industriel
ouvrait les perspectives du plein emploi, d'un emploi
à plein temps et à durée indéterminée. Une époque où
la répétition l'emportait sur l'innovation et où les
contenus matériels de la production l'emportaient sur
les contenus culturels, artistiques, immatériels. En
d'autres termes, une époque où l'on pouvait croire que
l'essentiel de la richesse était créé par le travail
(salarié) industriel traditionnel.
Aujourd'hui le chômage n'a plus
rien d'un chômage frictionnel, il se présente comme
composante structurelle du système, un produit même
du développement technologique. Comme le souligne René
Passet (Libération, 21 mai 2003), sous l'hypothèse (modérée)
d'une croissance annuelle de la productivité du travail
de l'ordre de 1.7% (rapport Charpin), d'ici à 2040,
la production par travailleur sera multipliée par 2.
Nous sommes les enfants des "petits
enfants" de la génération de Keynes. Dans
"Perspectives pour nos petits enfants", Keynes
préfigure une période de "chômage technologique"
déterminé par le développement des techniques substitutives
du travail humain.
Mais
cette période, ne serait qu'une période d'adaptation
vers une société qui ne fonderait plus son économie
sur le besoin et la nécessité. La rente ne serait plus
issue de la rareté mais de l'abondance. Nous avons droit
à un revenu continu, à une rente, à un dividende social.
Toujours
dans les années 30, Oscar Lange, économiste issu de
l'expérience du socialisme réel, et critique du système
soviétique, préfigure une autre forme possible de re-socialisation
de l'économie.
D'après
Oscar Lange, cette re-socialisation de l'économie ne
passe pas par la nationalisation, et elle implique une
autre forme de collectivisation des moyens sociaux de
production : les gains de productivité et les progrès
économiques sont un produit de la coopération sociale,
ils sont la propriété de tous et ouvrent ainsi un droit
pour chacun à un "dividende social".
Comment
financer la distribution à tous de ce "dividende
social" alors même que nous sommes confrontés aux
déficits de l'Unedic, des Caisses de Retraite ?
Trois pistes peuvent et doivent être parcourues :
1. La revalorisation du PIB.
Le
PIB n'est plus, si jamais il l'a été, une mesure adéquate
de la richesse. Sa mesure se fonde encore sur la logique
de la production matérielle de biens standardisés et
sur les normes de répartition héritées du capitalisme
industriel.
L'OCDE
avait déjà suggéré la nécessité de réévaluer le PIB
en prenant en compte la qualité de l'état de santé des
populations, la qualité des soins, mais aussi les niveaux
de formation, la qualité du système d'éducation, l'environnement
social et culturel. Il ne faut pas oublier que les résultats
de ces calculs laissaient déjà apparaître le sous-développement
relatif du système socio-économique français.
De leur côté, les économistes ne cessent de mettre en avant le rôle des externalités positives dans la performance des entreprises. Les externalités positives, cette richesse qui se dégage de l'interaction et qui ne peut pas être comptabilisée via les prix car elle échappe aux calculs du marché. Autant de sources de l'accroissement du potentiel productif du système, sources gratuites d'accroissement de la richesse qui se traduisent par des bénéfices nets pour les entreprises dans la mesure où elles n'ont rien à payer au titre de la captation de ces externalités. Richesses hétérogènes, non marchandes, non-mesurables, non-monnayées, non évaluables par le système des prix, invisibles du point de vue de la comptabilité d'entreprise et seulement en partie, et de manière indirecte, prises en compte dans le calcul du PIB et de sa progression. La mobilité des travailleurs, l'hétérogénéité des temps de leur vie dans et en dehors du salariat, l'intensité des interactions dans la vie sociale étant la source principale de ces externalités.
Mais encore, le calcul du PIB, repose sur une logique marchande : les richesses non-marchandes ne sont pas, pour la plupart, prises en compte ( la Suisse a essayé de parvenir à une estimation de la richesse créée par le tiers secteur, activités associatives etc. Résultat : ce secteur produit l'équivalent d'un tiers du PIB officiel). Dans d'autres cas, elles sont considérées comme un coût, c'est ainsi des services non-marchands de l'éducation et de la formation, alors même que les économistes libéraux exaltent la figure économique du capital humain dans les économies de la connaissance. On est loin de voir reconnaître l'effort collectif pour améliorer la qualité de la vie culturelle et sociale comme un investissement !
Il est donc possible et nécessaire de repenser les modes de calcul du PIB, une comptabilité adéquate à la nouvelle nature de la richesse, et à ses modes de production.
2. Une augmentation des cotisations patronales dans les entreprises capitalistes.
L'histoire de vingt ans de politique de l'emploi nous l'a enseigné : la baisse des cotisations patronales, les aides à l'embauche, la baisse des taxes professionnelles, n'ont pas généré une nouvelle dynamique de l'emploi à la hauteur du défi que représente un taux de chômage structurel de l'ordre de 9%. En même temps, si le coût social du progrès technique est supporté par les travailleurs en termes d'incertitude radicale quant à l'emploi, et donc à la stabilité et continuité de leur revenu, il est légitime de se demander pourquoi les entreprises devraient être libérées de leur contribution aux financement de ces coûts alors même qu'elles sont les principaux bénéficiaires des gains de productivités.
3. Une fiscalité adaptée à la nouvelle nature des modes de valorisation des capitaux.
En tenant compte
à la fois de la norme de la discontinuité de l'emploi
et de la continuité de l'activité créatrice, comme activité
immédiatement sociale, le financement fondé sur la cotisation
apparaît à lui seul de moins en moins adéquat à la nouvelle
nature de la richesse et aux modalités de mise au travail.
Reformer le régime signifie alors,
tout d'abord, penser aux nouvelles sources de financement.
Il faut taxer la "rente"
perçue dans les lieux de transit du capital financier,
du capital de la communication virtuelle, taxer là où
la richesse est captée aujourd'hui à titre complètement
gratuit : sur les circuits du capital, le grand nomade.
[1] "Sur les quatre premiers mois de l’année 2003, les dépenses du budget général atteignent 99 480 M€, soit une progression de 0,8% sur un an (+750 M€). Seules les dépenses militaires en capital sont en augmentation (+1 150 M€ d’un an sur l’autre à la fin avril). Les dépenses ordinaires, et les dépenses civiles en capital demeurent, en revanche, en-deçà du niveau atteint à la même époque en 2002" ("La situation du budget de l'État au 30 avril 2003", http://www.minefi.gouv.fr/indicateurs/budget/2003/030430.htm).